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Bulletin d’Estimation du Risque d’Avalanche : le comprendre pour randonner en sécurité

Posté par : François Jourjon 10 février 2021 17 commentaires
Bulletin d’Estimation du Risque d’Avalanche : tout savoir pour randonner en sécurité

La randonnée hivernale demande de prendre en compte des paramètres que l’on ne rencontre pas en été. Parmi les principaux facteurs de risque en cette saison : la neige bien entendu. En montagne, il est important de connaître l’état du manteau neigeux lorsque l’on prévoit une sortie, et cela ne concerne pas que les skieurs ! Chaque année, il y a encore de trop nombreux randonneurs qui se retrouvent pris dans des avalanches – parfois même sans s’être renseignés sur les risques avant de partir. Dans cet article, je vous propose donc de faire un point sur le Bulletin d’Estimation du Risque d’Avalanche (BERA, anciennement BRA). À quoi sert-il ? Où le trouver ? Quelles sont les informations qu’il contient et comment les lire ?

Qu’est-ce que le bulletin d’estimation du risque d’avalanche ?

L’acronyme BERA (anciennement BRA) est utilisé pour désigner le bulletin d’estimation du risque d’avalanche. Il s’agit d’un document émis quotidiennement par Météo France en saison hivernale (entre le 15 décembre et le 30 avril). Il regroupe un ensemble d’informations nivo-météorologiques à destination des « usagers » de la montagne, mais aussi des collectivités et des gestionnaires d’infrastructures d’altitude.

L’information principale qui s’y trouve, ou du moins celle qui intéresse la plupart des personnes le consultant, est celle concernant les risques d’avalanche classés sur une échelle allant de 1 à 5. Nous reviendrons sur ces degrés de risque un peu plus loin dans cet article.

Les bulletins donnent les informations météorologiques par massif montagneux et sont valables pour une durée de 24 heures environ après leur publication.  

Pourquoi les randonneurs devraient-ils consulter le BERA ?

Pour commencer, je dirais que ne pas consulter le BERA serait comme ne pas consulter la météo avant de partir randonner en montagne (et même probablement pire).

Les avalanches peuvent concerner tout le monde, et pas seulement les skieurs adeptes de hors-piste et de sensations fortes. En randonnée, on peut également être confronté à ce danger. Que vous profitiez de la montagne à skis, en raquettes ou simplement à pied, il est important de connaître l’état du manteau neigeux dans la zone où vous comptez randonner, surtout si vous vous éloignez des pistes balisées, ce qui est souvent le cas en rando.

Il y a peu de temps, un randonneur en raquettes a été secouru in extremis après avoir été emporté par une avalanche alors qu’il faisait une simple balade en famille… Tout cela non loin de la station savoyarde où il séjournait. Le jour de sa balade, le niveau de risque d’avalanche était de 5/5 : un indice de dangerosité habituellement rare. Cet accident aurait sans doute pu être évité s’il avait consulté le BERA.

À savoir : selon les statistiques, les chances de survie sont de plus de 90 % si les victimes d’avalanches sont secourues dans les 18 minutes. Ce taux tombe à seulement 34 % entre 18 et 35 minutes. Mieux vaut donc éviter le drame et reporter sa randonnée en cas de risque élevé d’avalanche.

Où trouver le bulletin des risques d’avalanche ?

Le BERA est rédigé tous les jours par Météo France en partenariat avec d’autres acteurs de la montagne. Vous pouvez le consulter gratuitement sur le site de Météo France dans la section « METEO MONTAGNE »

Une fois sur la carte, cliquez sur la zone montagneuse qui vous concerne :

  • Vosges ;
  • Jura ;
  • Alpes du Nord ;
  • Alpes du Sud ;
  • Massif Central ;
  • Pyrénées ;
  • Corse.

Note : des BERA sont disponibles pour les Alpes, les Pyrénées et la Corse uniquement, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de risque dans les autres massifs.

Pour l’exemple, disons que je souhaite obtenir le BERA du massif de la Chartreuse. Je vais donc sélectionner les Alpes du Nord.

Lorsque la carte des Alpes du Nord s’affiche, je peux ensuite choisir dans les onglets juste au-dessus le menu « RISQUES-AVALANCHE ». Il ne me reste plus qu’à cliquer sur le massif qui m’intéresse pour afficher le bulletin.

Cartes des Alpes du Nord du site Météo France
Carte des Alpes du Nord – Source : Météo France

Note : si vous ne savez pas à quel massif correspond la localisation de votre randonnée, vous pouvez sélectionner des lieux qui vous sont peut-être plus familiers (stations, cols, localités d’altitude, etc.) dans le menu déroulant situé sous la carte.

Le BERA est mis en ligne tous les jours en saison hivernale à 16 heures. Il est valable jusqu’au lendemain soir. Autrement dit, vous pouvez le consulter la veille du jour où vous avez prévu de randonner afin de vérifier si les conditions neigeuses sont favorables ou pas.

💡 Idée rando : je vous invite à lire le compte rendu de ma traversée (estivale) de la Chartreuse en 3 jours. Si vous ne le connaissez pas encore, cela vous donnera peut-être envie de découvrir ce massif qui s’étire entre Grenoble et Chambéry.

Quelles sont les informations contenues dans le BERA et comment les lire ?

Le bulletin d’estimation du risque d’avalanche contient un grand nombre d’informations utiles, mais qui peuvent être un peu complexes de prime abord. Surtout lorsque l’on n’est pas habitué au jargon technique de la nivologie (discipline scientifique consacrée à l’étude de la neige). Nous allons donc voir quelles sont les informations les plus importantes et comment les interpréter.

1. L’estimation des risques d’avalanche

Bulletin d'estimation du risque d'avalanche - Météo France
En-tête du BERA – Source : Météo France

C’est bien entendu l’information principale contenue dans le bulletin. Le risque est estimé sur une échelle allant de 1 à 5, 1 étant le risque le plus faible, 5 le plus fort (vous noterez qu’il n’y a pas de risque zéro).

Chaque indice est symbolisé par un pictogramme (uniformisé sur le plan européen) couplé d’un chiffre que l’on retrouve en haut à droite du bulletin. Dans notre exemple, le risque général d’avalanche est donc estimé à 4 sur 5.

Dans le cadre de droite, deux catégories d’avalanches sont détaillées :

  • les départs spontanés : les avalanches provoquées sans facteur extérieur ;
  • les déclenchements : les avalanches provoquées par l’activité humaine (skieurs, randonneurs, dameuse, explosion, etc.).

Niveaux de risque d’avalanche : explications

Beaucoup de personnes pensent encore (à tort) qu’un risque de niveau 3 est plutôt moyen et qu’il n’y a pas grand-chose à craindre. En réalité, l’échelle est plus complexe que cela et il y a plusieurs facteurs à prendre en compte. Voici donc quelques explications sur les niveaux de risque.

Pictogrammes des risques d'avalanches et explications
Pictogrammes des risques d’avalanche – Source : Gouvernement.fr

1 – Faible : le manteau neigeux est globalement stable. Les avalanches sont possibles uniquement là où les pentes sont très raides ou en cas de facteur humain notable (surcharge provoquée par un groupe important de skieurs ou randonneurs par exemple).

2 – Limité : le manteau neigeux est stable sauf dans certaines pentes très raides. Les départs spontanés ne sont pas à craindre, mais il y a un risque de déclenchement dans certaines pentes raides ou en cas de forte surcharge humaine.

3 – Marqué : autrement dit, le risque commence à être important ! La couverture neigeuse est plutôt instable, notamment dans les pentes raides. Une faible surcharge humaine peut déclencher une avalanche à certains endroits et des départs spontanés sont possibles. 

4 – Fort : une faible activité humaine est susceptible de déclencher une avalanche, même là où les pentes ne sont pas très raides. Des départs spontanés entraînant de grandes avalanches sont plus que probables.

5 – Très Fort : le manteau neigeux est totalement instable. De grandes avalanches spontanées peuvent survenir à tout instant, même sur des pentes faibles.

Pour résumer : 

Lorsque vous randonnez en hiver, restez vigilant en niveau de risque 1 et 2

À partir du niveau 3, ne vous aventurez pas sur les pentes trop raides. Et si vous randonnez en groupe, gardez vos distances entre vous lors des passages à risque, pour ne pas provoquer de surcharge de poids trop importante sur la neige.
Même si le niveau 3 correspond au milieu de l’échelle, il ne s’agit pas d’un risque moyen :
– des indices 1 à 4, on distingue les départs déclenchés (accidentels) et les départs naturels (spontanés). Cette distinction ne se fait plus dans l’indice 5 qui ne prend en compte que les départs naturels. L’indice 3 est donc élevé sur l’échelle des indices prenant en compte les départs déclenchés par des randonneurs.
– statistiquement, la majorité des accidents a lieu par risque 2 et 3.

⚠️ Dès le niveau 4 : mieux vaut reporter votre rando (à moins que vous ne sachiez parfaitement ce que vous faites) ! Une journée raclette et bonhomme de neige, c’est très bien aussi ☃️

Informations additionnelles sur le risque d’avalanche présentes dans le BERA 

Indice risque avalanche

Dans les cadres de gauche, le BERA nous donne quelques informations complémentaires sous forme imagée. On peut voir par exemple que le risque d’avalanche en Chartreuse sera plutôt de 3 au début, et qu’il évoluera vers un indice de 4 au fil de la journée.

Ce niveau de risque sera valable sur toutes les orientation (nord, sud, est et ouest), car tous les axes sont coloriés en noir sur la rose des vents et surtout en altitude (indiqué sous la rose des vents).

Voici un autre exemple (autre jour, autre massif), où il y a une différence de risque en fonction de l’orientation des versants (en noir, les pentes les plus dangereuses). 👇

BERA randonnée neige

2. Les conditions nivo-météorologiques

Pour compléter les informations concernant le niveau de risque d’avalanche, le BERA donne également :

  • une description de la stabilité du manteau neigeux qui détaille les risques de départs spontanés et de déclenchements en fonction des types de pentes ;
  • la couche de neige fraîche à 1 800 mètres sur les 4 jours passés, la journée en cours et le lendemain ;
  • les conditions météorologiques avec les précipitations et le vent ;
  • l’épaisseur de la neige hors-pistes en fonction de l’altitude et du versant ;
  • un descriptif de la qualité de la neige.
Données nivologiques BERA
BERA : informations sur le manteau neigeux – Source : Météo France

Chacune de ces rubriques peut vous aider à bien préparer votre randonnée. Vous saurez ainsi à quelles conditions vous attendre et quel matériel emporter en conséquence. Le BERA vous donne également un aperçu de l’évolution des risques dans la rubrique « Tendance ultérieure des risques ». C’est pratique pour anticiper les conditions pour des randonnées de plusieurs jours.

Tendance ultérieure des risques du BERA
Aperçu de la tendance des risques pour les jours suivants

La nivologie est une science complexe et je n’en suis pas expert. Mais, si vous voulez davantage d’informations à ce sujet, je vous conseille de vous rendre sur le site de l’Association Nationale pour l’Étude de la Neige et des Avalanches (ANENA). Vous y trouverez des dossiers complets et très documentés sur la nivologie et la météo. (Mise à jour en juillet 2023, il semble que ces dossiers ne soient plus en ligne. Par contre, l’ANENA propose des formations à destination du grand public et des professionnels sur la gestion du risque d’avalanche).

3. Historique des conditions nivo-météorologiques

Sur la deuxième page du bulletin se trouve un récapitulatif des conditions nivo-météorologiques des 7 derniers jours.

Conditions nivo-météo du BRA
Conditions nivo-météorologiques des 7 derniers jours – Source : Météo France

Le premier graphique permet de consulter :

  • les précipitations ;
  • l’altitude de limite pluie-neige ;
  • l’altitude de l’isotherme 0° C.

Juste en dessous, se trouve un autre graphique donnant la vitesse du vent à plusieurs altitudes (1 500 mètres et 2 000 mètres dans cet exemple).

Ces informations peuvent vous aider à connaître l’état de la couverture neigeuse dans votre zone d’altitude de randonnée. Idem pour le graphique suivant qui indique la hauteur de neige fraîche à 1 800 mètres d’altitude.

On a ensuite un récapitulatif des risques d’avalanche des 7 derniers jours avec les pictogrammes officiels.

Enfin, le dernier graphique indique les conditions d’enneigement à 1 000 mètres, 1 500 mètres et 2 000 mètres d’altitude sur les versants nord et sud du massif.

À noter que si vous téléchargez le bulletin d’estimation du risque d’avalanche au format PDF, vous ne pourrez consulter ces données que pour une seule altitude (1 500 mètres dans l’exemple ci-dessus). Il faut consulter le bulletin directement sur le site de Météo France pour activer les autres onglets du graphique.

Pour connaître l’historique des risques d’avalanche et avoir des informations plus anciennes sur les conditions météo en montagne, vous pouvez vous rendre sur la page des Données Publiques de Météo France et accéder aux archives des BERA remontant jusqu’à mars 2016.

⛅️ En quoi les historiques météo peuvent être utiles aux randonneurs ? Je vous explique tout dans cet article : Utiliser les relevés météo pour préparer ses randonnées : 3 outils.

À retenir concernant le bulletin d’estimation du risque d’avalanche

  1. Les randonneurs sont aussi exposés au risque d’avalanche (ça ne concerne pas que les skieurs et pas que la haute-montagne), c’est pourquoi il est important de consulter le BERA la veille de vos randonnées hivernales.
  2. Le bulletin est émis quotidiennement, à 16 heures, entre le 15 décembre et le 30 avril. Vous le trouverez sur le site officiel de Météo France.
  3. Ne sous-estimez pas les dangers indiqués par l’échelle des risques. Même un niveau 1 ou 2 requiert votre vigilance.
  4. Utilisez les données présentes dans le bulletin pour adapter votre randonnée : équipement, parcours, etc.
  5. Gardez à l’esprit qu’un BERA est une estimation des risques sur un massif, mais qu’il peut y avoir des phénomènes locaux. Il peut arriver de trouver par exemple, une pente à très fort risque d’avalanche alors que le risque sur un massif est de 2. Il faut le lire avec du recul, un peu comme une prévision météo et s’avoir s’adapter sur le terrain en fonction des observations.

En plus de la lecture du BERA

Lire et comprendre le BERA, c’est bien, mais ce n’est pas suffisant pour s’assurer que l’on sera en sécurité. Il faut aussi :

  • préparer un itinéraire « intelligent » pour éviter les zones à risque ;
  • être capable de suivre l’itinéraire préparé ;
  • savoir « lire » le terrain et la neige, pour éviter les zones potentiellement dangereuses ;
  • avoir du matériel de sauvetage (DVA, pelle, sonde) et savoir s’en servir ;
  • etc.

Si vous ne maîtrisez pas ces aspects, je ne peux que vous inviter à vous former (par exemple avec l’ANENA), à partir avec des personnes expérimentées ou à faire appel à un professionnel (accompagnateur en montagne, guide de montagne…).

Pour finir, voici quelques ressources complémentaires que vous pouvez consulter pour aller plus loin dans cette thématique ô combien importante pour votre sécurité en randonnée :

J’espère que cet article vous aidera à profiter en toute sécurité de vos randonnées en saison hivernale. N’hésitez pas à m’indiquer en commentaire si vous connaissiez le BERA et si vous avez l’habitude de l’utiliser. 

Pour d’autres conseils sur la rando en hiver, je vous renvoie vers cet article : Randonner en hiver | 12 conseils pour votre sécurité et pour votre plaisir !


Merci à Thomas pour la relecture et les remarques pertinentes. 😉

Auteur : François Jourjon

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