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[Interview] Peloton de Gendarmerie de Montagne (PGM) d’Hohrod

Posté par : François Jourjon 8 février 2014 6 commentaires

[Interview] Peloton de Gendarmerie de Montagne (PGM) d’HohrodVous êtes-vous déjà demandé qui va venir à votre secours si jamais vous êtes perdu ou que vous vous blessez en randonnée ?

J’ai eu l’occasion de poser des questions à l’adjudant-chef Denis Ramelet du PGM (Peloton de Gendarmerie de Montagne) de Hohrod qui intervient, entre autres, sur l’ensemble du massif vosgien – côté alsacien.

J’ai notamment pu lui poser les questions suivantes :

  • Quelles sont vos activités principales au sein du PGM ?
  • Quelle est votre formation ? Comment devient-on gendarme de montagne ?
  • Quels sont les différents types d’interventions que vous faites ?
  • Où est la limite entre vos interventions et celles des pompiers ?
  • Faites-vous appel à des aides extérieures sur certaines interventions ?
  • Quelles sont les interventions les plus courantes que vous faites ? En été et en hiver ?
  • Comment se déroule une intervention type ?
  • Est-ce qu’il y a une intervention qui vous a marqué en particulier ?
  • Comment est organisée votre mission de prévention ? Quelles sont les actions mises en place ?
  • Comment gérez-vous au mieux les risques liés aux secours ?
  • En quoi consiste votre entraînement ? Quels types d’entraînements faites-vous et à quelle fréquence ?
  • Qui prend en charge les frais engendrés par les secours ?
  • Quelles sont les causes les plus fréquentes de secours parmi les randonneurs que vous secourez ?
  • Est-ce que vous avez un message de sécurité à faire passer pour les randonneurs ?

C’est une interview très intéressante, que je vous conseille d’écouter, qui permet d’en savoir plus sur ces personnes qui « veillent » sur la montagne et ses pratiquants.

Vous pouvez retrouver le PGM de Hohrod sur leur site internet : http://pgm68.free.fr/

Pour écouter cette interview, appuyez simplement sur le bouton “Play” du lecteur ci-dessous. Vous pouvez aussi télécharger le fichier MP3 en faisant un clic droit sur “Télécharger” et en sélectionnant “Enregistrer la cible sous”.

Transcription texte

François Jourjon : Bonjour et bienvenue dans cette nouvelle interview du blog Randonner Malin. Alors, je suis actuellement avec l’adjudant-chef Ramelet du PGM de Hohrod. Alors, pour ceux qui ne le savent pas, PGM signifie Peloton de Gendarmerie de Montagne. Alors, pour commencer, est-ce que vous pouvez vous présenter et présenter le PGM de Hohrod assez rapidement ?

Adjudant-Chef Denis Ramelet : Oui, alors écoutez, bonjour, je suis l’adjudant-chef Denis Ramelet du peloton de gendarmerie de montagne du Haut-Rhin. Le peton de montagne a été créé en 1985, le 16 septembre, pour répondre à des demandes de secours en montagne tout simplement. Je suis donc adjoint au commandant du peloton.

François Jourjon : D’accord. Alors, en gros, quel est votre rôle au sein du PGM ? En fait, plutôt concrètement, qu’est-ce que vous faites au jour le jour ?

Denis Ramelet : D’accord, alors écoutez, nos principales activités plus exactement : nous sommes là pour secourir les personnes qui sont en difficulté et rechercher les personnes disparues – ça c’est notre principale mission.

Après, on est là aussi pour contrôler le respect des réglementations et constater les infractions qu’on pourrait trouver en milieu montagnard. Ensuite, on est là aussi pour surveiller un peu le secteur montagneux puisque c’est un petit peu dans ce cadre-là que nous agissons.

On est là aussi pour donner des conseils aux usagers de la montagne. On participe à des commissions de sécurité, on fait des relations publiques et on participe également à des jurys d’examens pour des diplômes en montagne.

François Jourjon : D’accord. Quand vous parlez de diplômes en montagne, c’est les mêmes diplômes que vous avez passés pour votre formation, ou c’est d’autres diplômes ?

Denis Ramelet : Voilà, alors au niveau de la formation on a plusieurs volets. Donc, comme je vous l’ai dit, on est avant tout des gendarmes et également des montagnards. Donc, pour servir chez nous, on a une formation qui est une formation gendarmique et qui est interne à notre institution.

François Jourjon : D’accord.

Denis Ramelet : Et puis, on a également des diplômes dans le civil, que vous connaissez : le titre de guide de haute-montagne, de moniteur de ski, accompagnateur en montagne.

François Jourjon : D’accord, et est-ce que du coup, votre rôle au sein du PGM dépend de votre formation que vous avez faites ? Par exemple, si vous êtes moniteur d’escalade ou si vous êtes guide de haute-montagne, est-ce que ensuite votre rôle au sein du PGM dépend de ça ou pas ?

Denis Ramelet : Non, ben disons qu’au sein de notre formation – après vous savez qu’il existe des PGM et des PGHM. Donc après, en fonction du choix de carrière, on a si vous voulez une formation qui est commune, qui est à Chamonix.

Alors, pour rentrer un peu dans les détails, au niveau de notre formation, on a plusieurs volets. On a une formation de base. On a une formation élémentaire, on a une formation de qualification technique et puis après, on a une formation qui est beaucoup plus spécialisée.  Alors, si vous voulez, on peut rentrer un peu dans les détails, non ?

François Jourjon : Oui oui, je pense que ça peut être intéressant.

Denis Ramelet : Donc alors, une formation de base qui s’appelle « certificat élémentaire montagne » qui dure deux fois 5 jours. C’est une formation qui est principalement destinée à des gendarmes qui ont peu ou pas de connaissances en montagne – notamment à des brigadiers.

Et, c’est nous qui gérons leur formation au sein de notre unité. Donc, pour la partie été, on va leur apprendre à se déplacer en montagne en sécurité, préparer un sac, apprendre de l’escalade.

François Jourjon : Oui

Denis Ramelet : Et l’hiver, c’est plutôt tout ce qui est apprendre à faire du ski, à se déplacer dans des conditions un petit peu rudes.

François Jourjon : D’accord, donc en fait au départ les gens sont d’abord gendarmes avant d’intégrer des PGM ?

Denis Ramelet : Oui

François Jourjon : C’est pas l’inverse ?

Denis Ramelet : Non non non, d’abord ils sont tous gendarmes. Ensuite, on a une formation qui est un petit peu plus poussée pour ceux qui désirent aller un petit peu plus loin dans la formation – ce qu’on appelle le « diplôme de qualification technique montagne » – qui elle n’est plus gérée par le PGM mais par contre elle est gérée par le CNISAG à Chamonix. C’est le Centre National d’Instruction au Ski et à l’Alpinisme de la Gendarmerie et cette formation dure 12 semaines.

Alors, il y a 3 volets : il y a un volet été, un module été, là c’est de l’escalade, un petit peu plus d’autonomie. Il y a un module hiver, alors là c’est pareil, c’est du ski en haute-montagne sur glaciers, déplacements à skis. Et puis, il y a également un module secourisme.

Et puis, pour ceux qui veulent continuer après – parce que déjà on peut s’arrêter là – une fois qu’ils ont le DQTM (ndlr : Diplôme de Qualification Technique Montagne), ils peuvent demander à subir des tests sur Chamonix, toujours au CNISAG, pour rentrer après en spécialité, en unité de secours.

Donc là, ça dure une semaine. Ils doivent présenter les courses qu’ils ont déjà réalisées et éventuellement présenteraient au proba (ndlr : examen probatoire) de l’aspirant guide. Ce sont des tests surtout sur le physique, sur le technique. Ils sont vraiment observés dans tous les compartiments. Voilà !

Et après, une fois qu’ils sont entrés en spécialité et qu’ils ont réussi cette partie de test, ils ont le brevet de spécialiste montagne qui lui est beaucoup plus long – qui dure quand même 16 semaines. Toujours pareil, un module secours, un module judiciaire et puis un module été-hiver qu’on retrouve forcément. Le module judiciaire, parce qu’à chaque fois qu’on intervient sur un secours, il y a la partie secours et la partie enquête également.

François Jourjon : Donc ça, c’est vous qui gérez ça tout ensemble, je veux dire, que ce soit la partie secours et la partie enquête ?

Denis Ramelet : Oui, alors, il faut savoir que sur une intervention en elle-même, quand je vous dis qu’il y a deux volets. En premier, c’est la partie secours qu’on va gérer avec le médecin. Et la partie enquête après, en deuxième partie, là c’est essayer de déterminer s’il y a des responsabilités sur l’accident. Et après, on rédigera un procès-verbal qui sera adressé à différentes autorités judiciaires ou administratives.

François Jourjon : D’accord. Et quand vous dites que vous avez un médecin, c’est un médecin qui est gendarme également ou c’est un médecin qui est civil ?

Denis Ramelet : Non, ce sont des civils. Bon, on va peut-être un peu détailler. Si vous voulez, quand on a besoin d’intervenir sur des opérations. Sur chaque intervention, on va intervenir avec un médecin urgentiste. Ces médecins prennent des permanences.

Alors, il y a 2 cas de figures. Soit on intervient avec l’hélicoptère de la sécurité civile de Strasbourg. Là, si vous voulez, on a un médecin qui est de permanence, qui appartient au Samu 67. Et quand l’hélicoptère de la sécurité civile n’est pas disponible, on intervient avec l’hélicoptère de la gendarmerie qui est basé pas très loin de chez nous à Meyenheim. Et cet hélicoptère est médicalisé par des médecins pompiers.

François Jourjon : D’accord, donc vous avez toujours un médecin sur chaque intervention ?

Denis Ramelet : Donc en principe, à chaque fois qu’on intervient avec un hélicoptère, oui. Après, on n’intervient pas seuls, on intervient en collaboration avec une équipe de pompiers – l’équipe de première intervention en milieu montagneux, l’EPIMM. Ça c’est prévu par le plan de secours de chez nous. On travaille en collaboration, bien sûr. Nous, on partira avec notre équipe et on fera jonction avec l’équipe de pompiers qui sera sur place.

François Jourjon : D’accord. Et comment faites-vous la limite entre les interventions que prennent les pompiers et celles que vous prenez en charge ?

Denis Ramelet : Ben écoutez, chez nous c’est simple, c’est prévu par le plan de secours. C’est-à-dire que chaque fois qu’il y a une intervention en montagne, on est obligé de faire une conférence à 3 sur une alerte. Et nous, en tant que commandant des opérations de secours en montagne ici, on gère nos moyens. C’est-à-dire qu’on va dire : « nous on va intervenir avec nos moyens » et on associera bien sûr les pompiers, tel qu’il est prévu par le plan. Donc, eux, ils interviendront avec nous.

François Jourjon : Donc, ça va être surtout une limitation géographique ?

Denis Ramelet : Oui, mais là chez nous, pour vraiment parler sur le massif, les pompiers qui interviendront avec nous ne seront que des pompiers de montagne, EPIMM, les équipes de montagne. Après, si on n’a pas besoin d’hélicoptère, on demandera une ambulance, enfin un VSAV (ndlr : Véhicule de Secours et d’Assistance aux Victimes) des sapeurs-pompiers.

François Jourjon : D’accord.

Denis Ramelet : Après, sur des recherches de personnes, on peut intervenir seuls. Après, quand c’est des grosses opérations, on peut les associer bien évidemment.

François Jourjon : Est-ce que vous faites appel à d’autres aides extérieures en plus des pompiers ?

Denis Ramelet : Ben disons, que nous, en tant que gendarmes, on est un petit peu autonomes, on a nos moyens, on a créé récemment ce qu’on appelle des groupes montagnes de gendarmerie (des GMG). Sur le département, nous avons une quinzaine de personnels.

Ce sont des gendarmes qui sont facilement mobilisables et récupérables dans la journée et dans la nuit pour prêter main forte à l’unité, au PG. Et c’est des personnes qui sont dans des PSIG (ndlr : Peloton de Surveillance et d’Intervention de la Gendarmerie), des personnes que l’on peut facilement rappeler. Et ils viennent en renfort du PGM.

François Jourjon : D’accord.

Denis Ramelet : On peut également faire appel, comme il y a quelques années, à des accompagnateurs de moyenne montagne, aux brigades vertes de la région et éventuellement aux EPIMM. Car, sur des grosses affaires, c’est arrivé sur des recherches de personnes d’avoir de gros moyens pour rechercher.

François Jourjon : D’accord. Là vous parlez de recherche de personnes, vous avez parlé de secours, est-ce que vous pouvez en gros me dire quels sont les différents types d’intervention que vous faites ?

Denis Ramelet : Alors, les interventions les plus courantes. Actuellement, on est en hiver, malheureusement on n’a encore pas beaucoup de neige. Mais si vous voulez l’hiver, c’est principalement les accidents de ski, les accidents de ski de randonnée, les accidents de randonnée en raquette. Donc, voilà, ça c’est des personnes qui se retrouvent bloquées dans les couloirs.

On a également des accidents de cascade de glace. On a deux sites ici où on peut faire de la cascade de glace. Et puis on a eu également des avalanches, chaque année. Pas forcément avec des personnes qui sont prises dedans, mais chaque année, comme le massif alsacien – partie vosgien, mais côté alsacien – est très abrupt, on a des couloirs et régulièrement, il y a des coulées de neige.

François Jourjon : D’accord.

Denis Ramelet : Ensuite, l’été c’est principalement des accidents de randonnée, de VTT, de parapente. Ça va aussi être des personnes qui se blessent en escalade, des accidents d’escalade. Là dernièrement on a eu un accident d’escalade. Après, c’est tout ce qui est malaises, recherches de personnes.

François Jourjon : Quand vous dites « recherche de personnes », c’est des personnes qui sont perdues ?

Denis Ramelet : Oui, ce sont des personnes qui s’égarent ou qui ne connaissent pas ou peu le massif. Il y a beaucoup de touristes bien sûr. Donc, après, ce sont des personnes qui accumulent du retard et puis la famille s’inquiète et ils ne sont pas forcément blessés. Ce sont des gens qui ont simplement accumulé un retard et les proches s’inquiétant, forcément nous, il va falloir qu’on réagisse. Voilà.

François Jourjon : D’où l’intérêt de prévenir ses proches quand on part. (ndlr : voir cet article)

Denis Ramelet : Voilà, bien sûr.

François Jourjon : Et, par rapport aux interventions que vous faites, est-ce que vous avez plutôt des personnes expérimentées qui prennent certains risques, notamment des sports assez risqués, ou vous avez plutôt des personnes qui ne sont pas expérimentées et qui ont pris des risques sans s’en rendre compte et sans prendre les précautions nécessaires quand on part en montagne ?

Denis Ramelet : Ben écoutez, on voit un peu de tout. On voit des gens qui ne connaissent pas le milieu montagnard, qui ne sont pas ou peu équipés. Alors bon, je ne pourrais pas vous donner un ratio, mais ça existe.

Puis après, vous avez des gens qui sont vraiment bien équipés, qui ont de bonnes connaissances en montagne et puis malheureusement – vous savez comme moi – que dès qu’on part en montagne, le risque zéro n’existe pas.

François Jourjon : Oui bien sûr.

Denis Ramelet : Donc, à partir de là, on a un peu de tout. Les accidents peut-être – pour avoir une expérience dans d’autres unités – l’accident où ce sont des gens qui sont plus aguerris sera peut-être plus tôt en début de matinée. Et puis après, en milieu de journée, voire en fin d’après-midi, ce sera plutôt les gens qui auront moins de connaissances.

François Jourjon : D’accord, qui vont se faire prendre par le temps.

Denis Ramelet : Voilà, par le temps et puis l’accident.

François Jourjon : D’accord, et est-ce que vous pouvez décrire rapidement comment se déroule une intervention type à partir du moment où il y a une personne qui vous prévient ?

Denis Ramelet : D’accord, donc le schéma global de l’intervention : la première chose, c’est la prise d’alerte pour le planton. Le planton, si vous voulez, c’est quelqu’un qui est destiné pendant 24 h à être au téléphone. C’est lui qui va réceptionner les alertes. C’est quelque chose qui est très important pour nous, parce que c’est lui qui sera directement le premier maillon de la chaîne de secours.

Donc, il va prendre l’alerte, il va prendre les informations, il va demander des renseignements, la localisation, le type d’accident, les blessures et puis le nombre de victimes. Tout ça, il va le retranscrire sur une fiche d’alerte – qu’on a à l’unité – et il faut savoir qu’on met en place une conférence téléphonique à 3 entre le requérant, le CODIS (ndlr : Centre Opérationnel Départemental d’Incendie et de Secours) – les pompiers – et nous le PGM.

Avec ça, on essaye d’identifier un petit peu les besoins, et à partir de là on déclenche vraiment le secours avec les moyens à employer : si on a besoin d’un hélicoptère, si c’est accessible ou pas, si ça va être technique ou pas, les personnels nécessaires.

Ensuite, il y a la partie secours en elle-même. Vous avez la gestion sur place du secours, c’est-à-dire la victime, etc. faire les gestes nécessaires. Et puis après, il y a la partie – comme je le disais tout à l’heure – la partie judiciaire avec constations, ce qu’il y a à relever, les prises de photos, etc. Eventuellement des auditions s’il y a besoin de prendre des auditions. Et tout ça après, c’est un document officiel qui sera transmis soit au procureur de la république, soit au préfet ou peut-être même aux deux.

François Jourjon : D’accord, et par rapport aux interventions, est-ce qu’il y a une intervention qui vous a marqué en particulier – que ce soit en bien ou en mal ?

Denis Ramelet : Ben on va peut-être plutôt parler en bien, parce qu’en mal généralement, vous pouvez vous imaginer le résultat – c’est des personnes décédées, c’est avertir les familles, ça c’est toujours délicat, c’est pas facile.

Après, les satisfactions c’est porter secours, c’est apporter notre aide à quelqu’un qui en a le besoin, c’est important. C’est vrai qu’on en a plusieurs, on ne va pas en choisir une particulière. C’est surtout quand on va peut-être chercher des jeunes, des enfants. Donc, je ne pourrais pas vraiment vous donner un exemple particulier.

Mais surtout, ce qu’il faut, c’est ne pas banaliser les secours, parce que c’est quand même un métier qui est exaltant, on fait ça par passion, ça c’est indéniable. Mais bon, c’est également une remise en question sur chaque intervention. Chaque secours est bien particulier – même si des fois, ça se retrouve, mais ce n’est pas la même chose.

Et après, il y a toujours un débriefing après l’opération. Si c’est un petit peu difficile, échanger avec des partenaires, avec les médecins, avec les pilotes d’hélico. Et puis dire, ce qui a marché et ce qui pourrait être amélioré. Je ne veux pas dire ce qui n’a pas marché, parce qu’il faut qu’une opération se déroule dans de bonnes conditions, mais dire « est-ce qu’on peut améliorer sur certains points ? ».

François Jourjon : D’accord, et là vous en avez brièvement parlé, que vous faisiez ça par passion. Et j’imagine que de toute manière on est obligé de faire ça par passion, vu les risques liés aux secours. Et comment vous arrivez à gérer ces risques ? Vous venez de parler de débriefings, j’imagine que vous faites des briefings, des réunions ?

Denis Ramelet : Pas tout le temps, mais effectivement sur des opérations qui sont un peu complexes, ou des fois où c’était un peu limite, là on va s’appeler avec l’équipage d’hélico, on va en parler avec le médecin. Oui, il y a un retour, il y a un échange.

Et puis même, pour en revenir un peu à votre question, quand on part en hélico avec le médecin, avec l’équipage, on est bien-sûr reliés par radio le temps d’aller sur zone mais nous on expose notre point de vue à l’équipage d’hélico, c’est quand même eux notre « taxi », notre moyen de transport et on va dire « il y a telle situation, est-ce que tu penses qu’on peut treuiller, est-ce que pour toi les conditions météo sont bonnes ? ». Il y a un échange entre le pilote et nous.

On dit « est-ce que ça c’est possible, est-ce que tu penses qu’on peut faire de telle manière ou est-ce que toi t’envisages une autre ? ». De toute façon, c’est le pilote qui en dernier ressort, qui est le maître à bord, qui dira c’est bon ou c’est pas bon.

Après, en fonction des blessures, on dira au médecin « est-ce que tu préfères qu’on mette la victime allongée dans notre perche d’évacuation ou alors est-ce qu’on peut faire ça d’un autre moyen, c’est-à-dire treuiller – pas forcément avec une sangle – mais nous on appelle ça un triangle d’évacuation, ça va beaucoup plus vite et on gagne du temps.

François Jourjon : D’accord.

Denis Ramelet : On essaye au maximum de parler avant, parce que pendant, ça va très très vite, chacun est concentré sur ce qu’il a à faire et on n’a pas le temps de se poser des questions. On essaye un petit peu – alors c’est pas toujours facile – mais on essaye d’anticiper sur la manière dont on va opérer. Ça se passe toujours bien, mais des fois on réussit la mission, mais pas forcément de la manière dont on avait pensé.

François Jourjon : Oui, il y a tellement d’imprévus.

Denis Ramelet : Il y a toujours de l’imprévu, on n’est pas à l’abri du vent, on n’est pas à l’abri du changement des conditions climatiques. Il y a plein de facteurs qui font que… Mais en principe on a quand même des grands schémas pour s’orienter.

François Jourjon : D’accord, en fait, avant chaque intervention, vous décidez « qui va faire quoi » ou est-ce qu’il y a des personnes qui sont plutôt spécialisées ?

Denis Ramelet : Ca dépend avec qui vous travaillez, parce qu’on ne travaille jamais avec les mêmes. Il y en a qui sont plus férus sur le secourisme, parce qu’au niveau de notre unité, on a quand même des gens qui sont moniteurs de secourisme. Donc eux, ils fileront plus un coup de main au médecin et puis l’autre s’occupera peut-être plus de la partie « gestion de l’enquête », c’est-à-dire faire des photos, relever des identités, faire le boulot de gendarme quoi ! Après, si il y a une deuxième intervention qui s’enchaîne, généralement on inverse, pour que ce ne soit pas toujours les mêmes qui fassent les photos.

François Jourjon : Oui, d’accord. Vous avez parlé aussi au départ de l’interview, que vous aviez une mission de prévention. Quelles sont, en gros, les actions que vous mettez en place concrètement pour la prévention ?

Denis Ramelet : Alors, la mission de prévention, c’est une mission que l’on doit s’efforcer de faire bien évidemment. Notre mission de prévention se justifie de la manière suivante. C’est-à-dire notre présence, nous, gendarmes de montagne sur le massif.

Il faut qu’on soit en contact avec les randonneurs, avec le milieu montagnard, avec les professionnels. Ici, on a quelques refuges, on a des fermes-auberges, donc on essaye d’aller les voir assez régulièrement. Et puis, de donner des conseils éventuellement à des randonneurs qui seraient soit en train de s’équiper ou que l’on croise pendant nos missions. Soit, quand on est en entraînement physique ou qu’on va grimper, on discute, on échange avec d’autres grimpeurs. Quand on fait du ski de randonnée, on échange, on essaye de discuter. On essaye de donner des renseignements sur les conditions météo.

François Jourjon : D’accord.

Denis Ramelet : On fait des relations publiques, on fait des rencontres avec des vacanciers, avec des promeneurs, même des centres de vacances qui demandent notre intervention.

François Jourjon : D’accord, donc vous allez directement au contact avec les gens qui vont pratiquer en montagne ?

Denis Ramelet : Oui, bien sûr, il faut. Mais les gens sont même demandeurs. Des fois, spontanément, ces gens viennent nous voir. Parce que c’est écrit « secours en montagne » sur nos véhicules. Des fois, les gens qui ne sont pas forcément de la région, ça les interpelle : « ah, vous avez un joli 4×4 ! ». Donc on leur explique un peu notre mission. Ca ça fait partie de notre mission de prévention. Il n’y a pas que ça, il y a plein d’autres choses.

François Jourjon : Vous avez parlé de votre entraînement et que vous faisiez votre mission de prévention un peu pendant votre entraînement. Et, en gros, quels sont les différents types d’entraînements que vous faites et à quelle fréquence faites-vous ces entraînements ?

Denis Ramelet : Ecoutez, quand on n’est pas pris par la permanence secours, on essaye de s’entretenir régulièrement. Alors, on a plein d’activités, puisqu’on fait du VTT, on fait de l’escalade, on fait du ski, du ski alpin, du ski de fond, du ski de randonnée.

On essaye en fonction des périodes et du temps bien évidemment de s’entretenir puisqu’il faut que l’on reste techniquement… que ça puisse se dérouler dans de bonnes conditions notre métier, donc il faut qu’on s’entraîne. Alors, périodiquement on essaye de faire au moins 3 ou 4 fois par semaine du sport, ça c’est sûr.

François Jourjon : D’accord. Et pour revenir sur les interventions, c’est une question qu’on m’a pas mal posée. C’est toujours pas exactement clair, c’est pour savoir qui c’est qui prend en charge les frais qui sont engendrés par les secours ? Alors, là je parle uniquement en France, parce que je sais que ce n’est pas la même partout.

Denis Ramelet : Alors, écoutez, c’est très simple, pour nous gendarmerie de service publique, donc pour le secours en France, il est gratuit, jusqu’à encore aujourd’hui. Ce que je peux vous dire – après je sais qu’il y a certaines disciplines comme le ski alpin où les frais de secours seront peut-être engagés par le service des pistes – mais bon ça nous, on n’est pas partie présente là-dedans.

Il faut savoir simplement, que nous gendarmes, on ne facturera pas une intervention. C’est du service public, on intervient avec des moyens de l’état donc voilà ! Après, peut-être que les gens, on va vous proposer – même à vous – le jour où vous allez skier : « est-ce que vous voulez l’assurance neige ». Alors, libre à vous de la prendre ou pas.

François Jourjon : Oui, mais là ce sont des secours que vous ne faites pas forcément en tout cas, c’est dans le cadre de la station ?

Denis Ramelet : Alors, nous on intervient ni sur piste de ski alpin ni sur piste de ski de fond, là où il y a un service des pistes qui est dévolu à ça.

Par contre, on interviendra sur piste si par exemple il y a une collision, s’il y a un différend entre des skieurs, une collision avec des engins de damage, des remontées mécaniques – là oui, il y aura une partie enquête. Donc, nous on interviendra.

Et puis on peut venir dans nos petites stations qu’on a ici, on interviendra en renfort peut-être d’un pisteur, parce que sur une intervention, seul ou à deux ils seront peut-être un peu justes. Donc nous on interviendra vraiment dans les cas bien particuliers en station.

François Jourjon : D’accord. J’imagine même en hors-piste, les secours sont peut-être faits directement par les pisteurs ?

Denis Ramelet : Alors non, tout ce qui est – pour nous, le cas ici – tout ce qui est hors-piste, c’est réservé au domaine montagne, donc ça c’est la gendarmerie, c’est le PGM qui interviendra sur du hors-piste.

François Jourjon : D’accord, c’est uniquement le PGM ?

Denis Ramelet : Ici, ce sera le PGM.

François Jourjon : D’accord, d’accord très bien. Alors, maintenant, pour se recentrer un peu sur la randonnée qui est un domaine qui intéresse la plupart des gens qui vont écouter cette interview. Quelles sont, en gros, les causes les plus fréquentes de secours parmi les randonneurs que vous secourez ? Est-ce que ce sont plutôt des gens qui se sont perdus, des gens qui se sont blessés, par exemple une entorse, une fracture, ou même autres ?

Denis Ramelet : Les causes les plus fréquentes ? J’allais dire, elles sont diverses…

François Jourjon : Il n’y a pas une cause qui revient vraiment ?

Denis Ramelet : On va dire – comme je l’ai dit un peu – qu’il y a une méconnaissance du milieu, il y a peut-être parfois un sous-équipement. On voit partir des gens qui sont sur des randonnées et qui ne sont pas forcément équipés, et qui n’ont pas forcément tout le matériel. Mais bon, on en voit quand même de moins en moins – parce que c’est vrai, on se faisait la réflexion avec des collègues – ils partent avec des gros sacs, alors j’imagine que dans ces sacs, ils ont vraiment tout ce qu’il faut.

Après, comme je l’ai dit, vous avez des gens qui sont bien équipés, et puis c’est un peu « la faute à pas de chance ». Le risque zéro – comme je le disais tout à l’heure – n’existe pas en montagne. A partir du moment où vous êtes dehors, c’est une activité de nature, donc il faut accepter peut-être le risque, bien qu’il faut prendre les mesures nécessaires.

François Jourjon : Oui, ce n’est pas parce que le secours est gratuit, qu’on peut se permettre de faire n’importe quoi. Vous faites du mieux possible, mais j’imagine qu’il y a certains cas où vous pouvez…

Denis Ramelet : Oui, il y a des fois où ça révolte un peu, mais on est là pour faire notre job, on est là pour aller chercher quelqu’un et le soustraire du milieu hostile et le ramener dans les meilleures conditions et le plus vite possible.

François Jourjon : Oui bien sûr, j’imagine que vous ne sélectionnez pas les personnes que vous avez envie de secourir ou pas…

Denis Ramelet : Non, non.

François Jourjon : Et donc, peut-être pour finir, est-ce que vous auriez un message de sécurité à faire passer pour les randonneurs qui nous écoutent ?

Denis Ramelet : Une rando sympa, c’est une rando qui se déroule bien, j’allais presque dire. Simplement, les conseils qu’on peut donner : il faut une bonne préparation, savoir où est-ce qu’on va. Il faut une préparation minutieuse, c’est-à-dire qu’il faut une carte au minimum, du matériel.

Bien sûr, il faut prendre en considération la météo – ça c’est sûr. Après, le niveau de condition physique des participants, parce que si vous partez sur plusieurs jours, il faut s’assurer que les gens peuvent suivre. Après, il faut prendre en compte l’alimentation, préparer correctement son fond de sac – c’est-à-dire qu’est-ce que j’emmène, les vêtements, le matériel, la boisson, contre la pluie, contre le froid, etc.

Puis, je dirais, qu’il faut se renseigner auprès des professionnels de la montagne. Il en existe un peu partout pour prendre des conseils sur les conditions de course.

François Jourjon : D’accord, donc il y a une grande partie qui se fait au niveau de la préparation.

Denis Ramelet : Oui, ça c’est le minimum, il faut préparer. Bien qu’on n’ait pas un massif à haute-altitude, j’allais dire. C’est une montagne à vaches, mais une montagne qui peut être vache quand le mauvais temps arrive. Et on peut facilement retrouver des conditions comme dans les Alpes chez nous. Quand il fait mauvais et qu’il fait froid et qu’il y a du vent et du brouillard et il neige, des fois on a beau connaître le massif, il y a des fois on hésite un peu. On n’est quand même pas sûr de soi, il faut le dire.

François Jourjon : Oui oui, ça c’est sûr. Merci beaucoup pour ce message et merci beaucoup d’avoir répondu à mes questions.

Denis Ramelet : je vous en prie.

François Jourjon : Merci beaucoup en tout cas pour l’interview.

Denis Ramelet : Merci, au revoir.

François Jourjon : Au revoir.

Auteur : François Jourjon

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6 commentaires

  • La transcription des paroles en texte nous donne l’impression d’écouter un reportage radio. Bravo François pour ce « rendu » très prenant.
    Ce qui serait intéressant de savoir, c’est combien d’accidents annuels le PGM peut déplorer dans son groupe car ce métier à risques ne doit pas s’effectuer sans conséquences graves.
    D’autre part, pourrait-on savoir combien il existe de PGM en France et où sont-ils basés.
    Bien cordialement.

  • Romain

    Bel interview! C’est sympa de rendre hommage aux garants de notre sécurité en montagne. J’ai eu l’occasion de les voir à l’œuvre, ils sont impressionnants de maitrise et de professionnalisme; et pourtant ce n’est pas un métier facile.
    Une précision cependant, on peut être verbalisé si l’on a recours à l’assistance d’urgence de manière abusive. Je me rappel de randonneurs ayant fait appel au PGHM de La Réunion car ils étaient trop fatigués et craignaient d’avoir à marcher encore longtemps, résultat: un tours en hélico mais un amende à 4 chiffres…

  • bernard77400

    Bonjour au randonneur de passage,

    Voici une petite anecdote qui illustre comment on peut bêtement être amené à déclencher l’action des gendarmes du PGHM.

    Pour des raisons que j’ignore, deux randonneurs s’étaient séparés en chemin après s’être fixé rendez-vous aux lacs de Prals où nous étions en prévision d’y passer la nuit.

    Nous avons aperçu le premier randonneur arrivé sur les lieux vers 16h. Il a parcouru rapidement tout le site, pris vite fait de nombreuses photos pendant environ 1/4 d’heure avant de repartir à vive allure sans dire un seul mot.

    Le second est arrivé environ 1/2 heure plus tard. Le fait d’être nettement plus âgé pourrait expliquer la différence de rythme. Il nous a demandé si nous avions vu son compagnon après nous en avoir fait la description. Dans l’affirmative, et un regroupement ayant été fixé à cet endroit, il décide de bivouaquer sur place pour rester sur le lieu de rendez-vous.

    Dans la nuit nous avons été réveillés vers 2 h par deux jeunes gendarmes du secours en montagne qui recherchaient un randonneur.
    Ils nous ont expliqué que le premier randonneur n’ayant pas vu son coéquipier au point de rendez-vous, au bout d’1/4 d’heure il a pensé qu’il s’était rendu au Refuge des Merveilles où ils devaient y passer la nuit. Mais là, il ne l’a pas trouvé. Au bout d’un moment il s’est inquiété puis est parti à sa recherche. Après avoir marché des heures durant, complètement épuisé et craignant un accident ou un égarement de son équipier qui n’avait toujours pas rejoint le refuge vers 22h, il a déclenché les secours en montagne.

    Par simple curiosité j’avais repéré le lieu de bivouac du randonneur resté aux lacs, ce qui m’a permis de guider les gendarmes auprès de lui. Bonne initiative car sa tente de couleur sombre, très basse et bien dissimulée n’était pas facile à distinguer en pleine nuit, contrairement à la nôtre qui, plus exposée à la vue depuis l’accès au site, a tout de suite capté l’attention des intervenants.

    Heureusement, il n’y a pas eu d’accident, ni d’égarement, ce qui a facilité la mission des gendarmes.

    A noter que seul le premier randonneur disposait de cartes. Fort heureusement, le second avait pris la précaution d’enregistrer le tracé du parcours sur son GPS avec cartographie, ce qui lui a permis d’être serein pour rejoindre le Refuge des Merveilles le lendemain matin. Le fait aussi de disposer d’un abri de bivouac et de quelques vivres lui a en outre permis de s’installer confortablement pour passer la nuit dans son duvet.

    Dans cet exemple, deux gendarmes du PGHM ont dû faire de la route et plusieurs heures de marche forcée en pleine nuit à cause d’un simple défaut de coordination entre deux randonneurs.

    A noter aussi qu’un couple de paisibles bivouaqueurs a subi un dommage collatéral de la part des deux militaires du fait d’un réveil brutal en sursaut. Admettez que cela puisse perturber durablement une nuit qui aurait été tranquille sans cet événement!

    Malgré tout, pour ce type d’intervention on apprécie la venue les gendarmes. Nous pouvons tous en avoir besoin un jour, en effet l’accident n’arrive pas qu’aux autres.

  • Marie-Claude

    J’ajoute que quand une personne part seule en randonnée, elle doit avertir quelqu’un, parent, ami, voisin… de l’itinéraire et de son heure de retour approximative