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Critique de la série de mangas « Le Sommet des Dieux »

Posté par : François Jourjon 27 mars 2017 12 commentaires

Critique de la série “Le sommet des Dieux”

Cette critique a été rédigée par Irene Villa, qui m’assiste pour différentes tâches sur le blog et avec qui vous avez peut-être déjà eu la chance d’échanger par email. Elle nous livre dans cet article un aperçu et une critique de la série de mangas “Le Sommet des Dieux”. Pour avoir dévoré la série, je partage tout à fait son point de vue. Clignement d'œil

Place à Irene…

Le Sommet des Dieux, c’est une sidérante et bouleversante métaphore, une mise en scène hypnotique de ce que doit être la vie si elle veut avoir quelque sens : une constante aspiration à l’accomplissement de ses rêves, un refus obstiné et héroïque d’y renoncer et de se satisfaire de l’insatisfaisant, un acte de foi envers ce qui élève et à quoi l’on s’efforce de participer, de tout son être et de tout son cœur.

Stéphane et Muriel Barbery

A quelques semaines de la mort de l’immense Jirō Taniguchi, un des plus grands mangakas japonais, j’ai ressenti l’envie de partager avec les lecteurs de Randonner Malin l’histoire ‘Le Sommet des Dieux’, qui dresse le portrait absolument extraordinaire d’un alpiniste extrême, ainsi que la quête de sens d’un photographe perdu dans sa vie, sur le fond majestueux des montagnes du toit du monde.

Critique de la série de mangas “Le sommet des Dieux”L’histoire s’ouvre au Népal, avec la découverte de la part du photographe Fukamachi d’un très vieil appareil photo dans une petite boutique de bric-à-brac à Katmandu. Serait-il possible que ce soit l’appareil photo que George Mallory avait apporté lors de son ascension de l’Everest en 1924 ? Et si Mallory, accompagné d’Irvine, avait vraiment gravi le sommet des dieux en premier, et avait perdu l’appareil lors de sa descente fatale ? La découverte de cet appareil photo pourrait réécrire l’histoire de l’alpinisme et c’est donc cet élément qui va déclencher la quête de Fukamachi et qui va le rapprocher de l’énigmatique Habu Jôji, un grand alpiniste japonais, étrangement disparu de la circulation, qui aurait retrouvé l’appareil.

Ayant perdu ses parents et sa sœur dans un accident de voiture, la montagne devient la raison de vie de Habu. Ecorché et torturé par son parcours personnel et le manque de sponsors qui l’empêchent de se confronter aux montagnes les plus hostiles et donc de se faire un nom au niveau international, Habu Jôji est dévoré par le désir d’exister dans l’extrême. Qu’il s’agisse d’escalader la face glacée de l’Oni-Sura à vue, de gravir la Pointe Walker des Grandes Jorasses en solo, ou encore de tenter l’ascension de l’Everest par la face nord en plein hiver et sans oxygène, dans sa quête de fusion avec les éléments de la nature les plus extrêmes, il dépasse et repousse ses limites sans cesse, habité par l’envie de viser toujours plus haut, le regard constamment levé vers le ciel et les pieds dansant en surplomb.

Toutefois, c’est cette quête démesurée qui à mon sens éloigne Habu Jôji de toute dimension humaine de son être. Comme Icare qui a vexé les dieux de l’Olympe lors qu’il a poussé sa trajectoire trop près du soleil, Habu Jôji se tache de cette même hybris. Habu ne veut pas accepter les lois imposées aux hommes, au contraire, il veut les défier et être le premier à conquérir des sommets qui peut-être ne sont pas censés être conquis. Il s’agit là non seulement d’une quête d’alpinisme, mais aussi d’un voyage au plus profond de soi-même, car à chaque fois qu’Habu se prépare à escalader une montagne, c’est en réalité un voyage initiatique qu’il va entreprendre et qui va ébranler toutes ses certitudes.

Le trait de Taniguchi, sublime et très fidèle à la réalité, reflet une tension incroyable entre le calme majestueux des montagnes, immobiles et insensibles aux efforts des hommes, et le corps en mouvement des alpinistes. Chaque planche est parfaite dans sa composition sobre, pourtant minutieuse.

Cette histoire m’a absolument captivée dans une période très particulière de ma vie. En effet, j’ai commencé la lecture du ‘Sommet des Dieux’ après la naissance de mon deuxième bébé. La maison endormie, les enfants enfin couchés, les tâches quotidiennes accomplies, mon organisme cherchait le réconfort du sommeil, mais c’était impossible de fermer la BD et de fermer les yeux ! Et même quand, épuisée, je posais enfin la BD sur mon chevet, le profil d’Habu se dessinait sur la chaine de l’Himalaya. Son souffle mis à l’épreuve et ses yeux constamment dirigés vers le haut envahissaient ma tête. A chaque ancrage de piolet, un étrange état d’euphorie me poussait à l’inciter, alors qu’à chaque prise risquée, mes mains devenaient moites, et à chaque saut dans le vide, mon souffle était suspendu.

Bien que je ne sois pas alpiniste, je crois que ce qui m’a captivée dans cette lecture, c’est le désir d’absolu et d’insoumission aux règles qui feraient de nous des petits hommes, la soif de pureté. Pourquoi vivre ? Pourquoi escalader une montagne ? Pourquoi aller de l’avant quand les averses de la vie nous semblent insurmontables ? Ces questions ne concernent pas seulement les sportifs, mais chacun de nous.

Si vous souhaitez vous procurer cette série (en 5 tomes), vous pouvez le faire sur Eyrolles ici :

Auteur : François Jourjon

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12 commentaires

  • Jean

    Magnifique histoire ! Qui nous révèle une partie de nous mêmes randonneurs et montagnards .
    Très belle analyse, sensible et juste.
    Merci et bravo

  • Valérie

    Je ne connais pas mais je suis curieuse de les lire après ces commentaires.

  • Corinne

    J’aime découvrir de nouvelles bonnes BD. Je trouve que c’est une bonne idée que de proposer des livres, BD tournes autour du trekking.
    Merci à toute l’équipe.

  • Merci pour cette découverte. Cette thématique me parle, je suis curieux d’en lire un.
    Sur le tome 4, le personnage (avec un blouson violet) ressemble étrangement à l’alpiniste Eric Esscoffier…

  • ALAIN

    Hypnotisé ! Par ce sublime manga. Ce trait de plume incisif, immense mais précis comme le scalpel d’un chirurgien et sans une seule ligne, un seul point superflu. La nuit étoilée que le héros découvre sur Sagarmatha (Everest) constitue un moment absolument sublime. Jirō Taniguchi vient de nous quitter mais nous a laissé un conte magnifique. Gageons qu’il connaîtra une consécration posthume digne de son talent dans son pays natal.
    Lukla, Namche Bazar ainsi que les moeurs du peuple Sherpa sont authentiques, de même que Katmandou.
    On ne lit pas ces 5 ouvrages, on voyage à l’intérieur et on en sort différent.
    Salut l’artiste.

  • regis

    Complètement d’accord avec les autres commentaires, passionnant et captivant!
    Dans le même registre (même si un cran en dessous), il y a Vertical de Shinichi Ishizuka.

  • jean-yves

    Etant rentré en France définitivement il y a qqs semaines je suis tombé ( un peu par hasard ) sur cette saga népalaise. Ayant « bossé » deux ans autour des Annapurnas et de l’Everest ( trekking guide) j’y ai retrouvé ( en plus de l’histoire) plein de lieux merveilleux qui ne me donne qu’une envie: prendre un billet d’avion et me replonger dans cette ambiance entouré de gens sublimes que sont les népalais.
    Ps j’espère que cela n’a pas trop changé!!!

  • François Jourjon

    Merci à tous pour vos retours. 😉

  • Maridan-Gyres

    fascinant cela donne envie de les lire. Merci pour le partage

  • Michel

    Cette série est une des plus grandes merveilles de la bande dessinée mondiale, tout(e) amateur(trice) de montagnes, de randonnées, d’escalade ou d’alpinisme doit avoir un jour parcouru ces planches inspirées par les dieux eux-mêmes, un sommet de la BD, assurément !!!

  • Caroline

    Très heureuse de voir cette BD dans votre sélection
    J’ai été bouleversée par la lecture de cette série il y a quelques années. Nul besoin d’aimer ou d’être fasciné par la montagne ou l’alpinisme, ce qui est mon cas (même si forcément on se laisse « prendre »), c’est avant tout la puissance des personnages, leurs quêtes, leurs failles qui m’ont chavirée. Quel talent ce Taniguchi !

  • Vincent

    Rien à redire c’est grâce à ce manga que j’aime autant la montagne aujourd’hui