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Critique de « L’âme du Gange – un pèlerinage aux sources »

Posté par : François Jourjon 24 octobre 2017 Aucun commentaire

L'âme du gange-un pèlerinage aux sourcesCette critique a été rédigée par Irene Villa, qui m’assiste pour différentes tâches sur le blog et avec qui vous avez peut-être déjà eu la chance d’échanger par email. Elle nous livre dans cet article un aperçu et une critique de “L’âme du Gange – un pèlerinage aux sources”. Place à Irene…

La marche, c’est la liberté, l’inédit, les grands espaces… C’est être libre de toute attache ! C’est goûter à l’immensité comme on déguste un fruit. C’est jouir du bonheur d’aller où bon nous semble grâce à nos propres forces. Marcher, c’est connaître la nature et la vivre. C’est avancer à notre rythme vers ce qui nous attend. Marcher, c’est faire de la terre entière son domicile.

L’intention de l’auteur

Dans son livre « L’âme du Gange », Tanneguy Gaullier narre son pèlerinage du golfe du Bengale jusqu’aux sources sacrées du Gange. Attiré par le « Maha Kumbha Mela », le plus grand rassemblement mondial de pèlerins – 100 millions d’hindous en deux mois, et inspiré du célèbre « Pèlerinage aux sources » de Lanza del Vasto, Tanneguy décide de partir en Inde à la fin de 2012.

Pendant 7 mois, tout le long des 2600 kilomètres parcourus au gré des saisons, le fleuve sacré des indiens, la mère Gange, a été son guide et son repère principale. Son récit, imprégné de l’intensité de chaque rencontre humaine, vibrant de l’atmosphère profondément religieuse qui touche chaque aspect de la vie en Inde, troublé par les conditions d’extrême pauvreté dont il a témoigné dans certaines régions, nous plonge au cœur d’une quête existentielle, de connaissance de soi, d’ouverture aux autres et d’émerveillement pour la nature. Lors de son périple, une bonne partie du voyage se construit autour de la marche dans la plaine Indo-Gangétique, alors que l’autre partie se tisse autour des relations humaines établies avec une riche palette d’individus extraordinaires – les habitants rieurs et enthousiastes, les brahmanes, les yogis et les maîtres spirituels qui lui permettent d’avancer, tant au niveau concret qu’au niveau spirituel.

L'âme du gange, pèlerinage aux sources

Les difficultés de la marche

En ce qui concerne les détails techniques de son expérience, un des principaux défis auquel Tanneguy a dû faire face lors de son périple a été le poids du sac. Vous savez bien que le but de chaque randonneur c’est de ne rien oublier de nécessaire tout en éliminant le superflu pour rester le plus léger possible…Mais concrètement, comment faire ? Tanneguy part avec un sac à dos de 14 kg (sac à dos compris), ce qui est loin d’être idéal, car il faut rajouter de l’eau et de la nourriture… Du coup, très tôt, il décide de faire le tri de quelques petits objets et surtout de se débarrasser de son sac de couchage d’1kg, vu la chaleur écrasante éprouvée au début de son voyage dans le Golf du Bengale. Après avoir fait ce choix, le contenu de son sac à dos pèse désormais 11kg ½, ce qui est un énorme progrès ! Bien que de temps en temps, Tanneguy regrette d’avoir laissé son sac de couchage, l’hospitalité indienne, surtout dans les zones rurales, se révèle extraordinaire : en effet, il est invité à dormir presque partout – dans des ashrams, des églises, chez les habitants – car l’ancienne tradition indienne fait de l’hôte un dieu, et en tant que tel, son statut social est bien codifié par de nombreux rituels d’accueil et hébergement.

Une autre difficulté technique rencontrée par l’auteur a été le fait de suivre un parcours non balisé. Arpenter les rives d’un fleuve qui mesure jusqu’à 7 km de large, ce n’est pas une mince affaire ! Malgré sa boussole, l’auteur a fait fausse route plus d’une fois, s’est égaré, a été arrêté par la police à la frontière du Bangladesh, a vu des cobras jaillir devant lui alors qu’il marchait dans des fourrés, n’a souvent pas pris la direction la plus courte… Néanmoins, toutes ces épreuves, au lieu de déstabiliser Tanneguy, lui ont appris le lâcher prise et le goût d’une vie où la lenteur retrouve sa juste place.

Pourquoi lire ce livre ?

En lisant et relisant ce livre, j’ai identifié trois raisons de le lire :

1 – Vous souhaitez lire le récit d’un pèlerinage différent de celui de Saint-Jaques-de-Compostelle

En effet, tout ici est dépaysement par rapport au chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle ! Alors que le « camino » est emprunté la plupart de l’année par un grand nombre de pèlerins, le « Ganga mata pad yatra » est un pèlerinage où l’auteur n’a pas rencontré d’autres pèlerins (exception faite pour le grand rassemblement d’hindous à Allahabad, à la Kumbha Mela). Toutefois, je crois que le fait de partir seul et de ne pas rejoindre d’autres pèlerins a permis à l’auteur de tisser des liens forts avec les habitants qui lui proposaient de s’arrêter pour un boire un lassi, les jeunes qui l’ont aperçu dans la campagne et l’ont accompagné en longeant le Gange pour quelques kilomètres, ou encore les habitants des villages qui l’ont accueilli tant de fois chez eux. Alors que le chemin de Compostelle est bien balisé et ses refuges sont assez nombreux, le long du Gange il n’y a pas du tout ce genre de dispositifs d’aide aux pèlerins. Par ailleurs, le climat et les paysages sont très différents par rapport à ceux qui caractérisent le chemin de Compostelle. En effet, Tanneguy a commencé son parcours avec la chaleur écrasante du Golf du Bengale pour terminer à 4200 m d’altitude, dans les forêts, parmi les hautes cimes et les parois rocheuses. La nature, grandiose et divine, accompagne Tanneguy tout le long de sa randonnée, car c’est elle qui lui offre la terre pour se coucher quand il est épuisé et n’a pas la force de marcher jusqu’au prochain village, qui l’enveloppe de sa couverture étoilée quand il fait trop chaud pour dormir dans son sac de couchage, et c’est sa voix que Tanneguy écoute lorsque le vent commence à souffler.

2 – Vous aimeriez avoir un aperçu de vie(s) indienne(s)

Tanneguy nous livre plusieurs extraits de vie indienne, qu’il s’agisse de la vie dans une grande ville comme Calcutta, de l’ascèse des sâdhus lors de la Kumbha Mela, ou encore des traditions des communautés rurales. Calcutta est aperçue par le pèlerin comme un microcosme. La splendeur de certains édifices, héritage de la colonisation britannique, côtoie le désordre et la misère, et dans un bouillonnement permanent d’activités comme la vente du chaï, les rassemblements des hommes autour des jeux de carte, les étales remplies d’objets divers et variés, le passage des vaches et les cris des vendeurs, plusieurs langues s’entremêlent et se fondent ; les religions cohabitent et les synagogues, les églises, les mosquées, les mandirs et les temples bouddhistes se trouvent côte à côte. A Allahabad, lors de la Kumbha Mela, le spectacle qui se dévoile aux yeux de Tanneguy lui révèle une humanité très lointaine de nos standards : les communautés monastiques, les yogis, les nâgâ bâbâ, complètement nus et recouverts de cendres, les sâdhus et les ascètes, ils essaient tous de surpasser la matière, d’en défier les lois pour s’approcher de Dieu, non seulement par des pratiques de maîtrise et mortification du corps, mais également par des rituels très précis, comportant exercices respiratoires et de purification, des invocations aux dieux et des hommages rendus à l’eau et au feu. J’avoue que ce qui m’a marquée le plus est sûrement la douceur et la lenteur de la vie rurale, où les hommes vivent encore au rythme des saisons, et rendent hommage à la nature, comme dans le sacrifice du feu ou encore dans le rite de l’âratî, où une offrande de lumière est faite à l’aube ou au crépuscule. Voici un aperçu très apaisant de cette réalité :

Sur des petits chemins de terre, je circulais de village en village, croisant des gens qui allaient pieds nus et transportaient des objets sur la tête ou des enfants sur le dos. Dans les cours intérieures des maisons, des femmes fabriquaient des filets de pêche, des paniers en osier ou des outils agricoles. Sur des sommiers constitués de cordes, des hommes se prélassaient en regardant le match de cricket des jeunes du village. Les travaux des champs s’effectuaient avec lenteur. On me saluait et m’appelait « uncle ». Coupés du monde, sans électricité, magasins, ni transports, ces hameaux étaient des îlots de tranquillité éloignés de la bruyante civilisation.

3 – Vous voulez en savoir plus sur la philosophie/spiritualité indienne

Le livre est imbibé de philosophie indienne, mais loin d’être pédante ou ennuyeuse, cette philosophie est vivante et réelle dans les rencontres qui enrichissent le chemin de Tanneguy et dans la vision que les indiens ont de la nature et de la création. En effet, la nature représente l’acte de Dieu, et les indiens considèrent Dieu comme inextricable de la création, sans être au dessus de sa création. Le Gange en est un témoignage concret, voilà pourquoi il est aussi intimement lié à la vie des indiens. La proximité de l’hindouisme et sa connaissance permettent à Tanneguy de parfaire sa vision et sa proximité de Dieu, et de renouveler sa foi.

Mon avis

Personnellement, j’ai trouvé le récit de Tanneguy magnifiquement écrit et très attachant. Son parcours n’a pas été exempt de difficulté – le fait même de tenter cette expérience titanesque est bien audacieux, mais à travers sa persévérance, sa curiosité et le plaisir des rencontres sur le chemin, j’ai eu l’impression de voir cet homme grandir et évoluer au fil des pages. Tanneguy apprend à faire confiance et à lâcher prise, tout en gardant une bonne dose de détermination qui lui permettra d’achever son projet. Par ailleurs, j’ai trouvé sa démarche de découverte de la pensée indienne très sincère et respectueuse : jamais il ne s’agit de renoncer à quoi que ce soit pour adopter un nouveau point de vue ou des valeurs autres, mais d’écouter le point de vue de l’autre pour voir quelle résonnance cela provoque. Les pages sont simplement tissées sur un terrain d’entente et de découverte mutuelle, où le rationalisme cartésien occidental rencontre la pensée indienne qui ne s’érige pas du tout sur les dichotomies ‘blanc ou noir’, ‘bon ou mauvais’, ‘tort ou raison’ mais les englobe toutes, en un seul système qui pourrait nous sembler incompréhensible et irrationnel, de premier abord.

Si vous êtes amoureux de l’Inde je crois que ce récit ne pourra que renforcer vos sentiments, mais si vous ne connaissez pas du tout l’Inde, je suis absolument convaincue que ce livre vous donnera un aperçu d’un peuple rieur et généreux, de sa nature divine et grandiose, et d’une multitude de rencontres possibles pour mieux comprendre l’Autre.

Si vous souhaitez vous procurer ce livre, vous pouvez le faire sur Eyrolles ici :

Auteur : François Jourjon

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Aucun commentaire

  • Bonjour,
    Je viens de découvrir grâce à un ami cet article écrit par Irene Villa au sujet de mon livre. Je trouve ce commentaire particulièrement pertinent et généreux et j’aimerais échanger avec son auteur, soit via ma page Facebook (Tanneguy Gaullier) ou grâce aux coordonnées sur mon site http://legangeapied.com/
    Merci.

  • jean louis

    Merci Irène pour cet article et merci de nous faire découvrir cet ouvrage. J’adore l’Inde et je vais vite acheter ce livre. Namaste .

  • Sandrine

    Bonjour, je vous remercie tous les 2 pour cet article, j’ai déjà lu d’autres ouvrages comme « la longue marche » de Bernard Ollivier, et vous venez de me donner envie de lire celui-ci. Je voulais l’acheter tout de suite mais malheureusement il est en rupture sur amazon, il faut donc patienter, toi pour t’offrir un café et moi pour le lire 😉 Sandrine